Article mis à jour au 25 janvier 2018
Si une Ordonnance de référé suspend les effets de la clause résolutoire insérée dans un bail commercial et que le preneur ne respecte pas les délais octroyés par le Juge des Référés pour apurer la dette, le preneur ne peut plus se voir octroyer de délais de paiement au fond.
Attention toutefois en cas de saisine du juge du fond !
C’est ce qu’a décidé la 3ème Chambre Civile de la Cour de Cassation dans un arrêt du 15 octobre 2008 :
Vu l’article L. 145-41 du code de commerce ;
Attendu que les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues aux articles 1244-1 à 1244-3 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de chose jugée ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Lyon, 2 mars 2006), que M. Fabre, propriétaire de locaux à usage commercial donnés à bail à la société Aux Gourmets des Monts (société Aux Gourmets), lui a fait délivrer le 9 mars 2001 un commandement de payer un arriéré de loyers visant la clause résolutoire, puis l’a assignée en référé pour faire constater la résiliation du bail ; que, par ordonnance du 3 janvier 2002, confirmée par un arrêt du 2 mars 2004, la société Aux Gourmets a été condamnée à payer au bailleur une certaine somme ; que, par la même décision, des délais lui ont été accordés pour s’acquitter de cet arriéré en sus du loyer courant ; que l’arriéré de loyer n’ayant pas été réglé à la bonne date, le bailleur a saisi le juge de l’exécution qui, par un jugement du 15 octobre 2002 devenu définitif, a déclaré valable le commandement de quitter les lieux délivré le 19 juin 2002 à la locataire ; que, par exploit du 17 mars 2004, cette dernière a assigné le bailleur au fond aux fins de voir dire qu’il n’y a pas lieu à résiliation et obtenir, à titre subsidiaire, un délai pour s’acquitter d’un éventuel arriéré ;
Attendu que, pour accorder un nouveau délai de paiement à la société Aux Gourmets, l’arrêt retient, par motifs adoptés, que l’ordonnance de référé du 3 janvier 2002 n’a pas en principe autorité de chose jugée, que cette société est en conséquence recevable à faire arbitrer par la juridiction du fond le principe de la résiliation du bail, indépendamment de cette ordonnance, dans les termes de l’article L. 145-41 du code de commerce, que si le jugement du juge de l’exécution du 15 octobre 2002 a validé le commandement de quitter les lieux délivré du fait de la reprise des effets de la clause résolutoire, il n’a toutefois autorité de chose jugée que pour la contestation qu’il tranche, à savoir l’exécution de l’ordonnance de référé et non le prononcé de la résiliation du bail, que compte tenu des efforts importants effectués par la société Aux Gourmets depuis le commandement pour solder son arriéré locatif, il convient de lui accorder un délai d’un mois pour apurer la somme de 1 031,16 euros correspondant à un retard de TVA, en plus du loyer en cours, et de suspendre la clause résolutoire pendant ce délai, celle-ci reprenant ses effets de plein droit en cas de non-respect de son échéance ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle constatait que les délais accordés par l’ordonnance de référé ayant suspendu la réalisation de la clause résolutoire n’avaient pas été respectés, la cour d’appel, qui, saisie au fond ne pouvait accorder de nouveaux délais, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 2 mars 2006, entre les parties, par la cour d’appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Lyon, autrement composée ;
Selon Monsieur Yves ROUQUET, auteur d’un article publié dans les actualités Dalloz du 22 octobre 2008, l’arrêt de la Cour de Cassation publié dans l’AJDI, “il ne faut en effet pas confondre « autorité de la chose jugée » et « force de chose jugée » : si l’ordonnance de référé est dépourvue de la première, dès lors qu’elle est définitive, elle acquiert la seconde (jugeant que, même si elle n’a pas autorité de la chose jugée au principal, l’ordonnance de référé est passée en force de chose jugée ; les délais ayant été définitivement déterminés par cette décision, le juge du fond ne peut revenir sur les exigences posées par le juge des référés pour écarter l’acquisition de la clause résolutoire V. Paris, 14 mars 2005, Loyers et copr. 2005, n° 158, obs. Brault.)”
Cette jurisprudence paraît toutefois contradictoire avec la plus récente position de la 3ème chambre civile en matière d’acquisition de clause résolutoire en matière de bail commercial.
La Cour de cassation a récemment fait application de l’article 488 du code de procédure civile : Cass. 3ème Civ : 2 mars 2017 n° 15-29.022 à consulter sur legifrance pour les plus perfectionnistes d’entre vous).
En substance, une ordonnance de référé constatant l’acquisition de la clause résolutoire n’interdit pas le preneur de saisir au fond le Tribunal pour contester ce point; S’ouvre alors un nouveau procès.
Ceci a d’ailleurs donné lieu à mon article sur la stratégie procédurale en matière de recouvrement de loyers impayés.
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