La plupart des baux commerciaux comporte une clause d’indexation qui occulte l’existence du jeu de la révision légale.
Or la révision triennale (tous les trois ans) des articles L 145-37 et L 145-38 du code de commerce est d’ordre public. Il en résulte que le preneur peut toujours demander son application.
En pleine crise sanitaire, des dispositions d’exception sont en cours, et il est notamment prévu une “suspension” des loyers dus par les micro entreprises.
C’est un premier moyer de soulager les charges des entreprises.
Mais, il existe d’autres leviers. Parmi eux, la révision légale triennale, peut constituer un moyen de peser sur le loyer commercial
La révision légale peut donc être demandée, même si le loyer vient d’être indexé par le jeu d’une clause d’indexation automatique.
Elle prime sous certaines conditions (Voir infra) le loyer indexé si la valeur locative est inférieure au loyer indexé ou révisé par application de la variation de l’ILC ou de l’ICC ;
Or, il n’est pas indécent de penser que les différentes mesures de lutte contre l’épidémie de corona virus (COVID -19) sont de nature à déprécier fortement la valeur locative.
Quelle est la valeur locative aujourd’hui d’un local situé dans une rue piétonne qui n’est plus fréquentée par personne en raison d’une mesure de confinement ? Il n’est pas interdit de penser que cette valeur est très inférieure à la valeur locative lorsque l’économie n’est pas frappée par une mesure de confinement général.
La demande de révision triennale à des conditions de forme et de délais.
Conditions de délais : 3 ans au moins
L’article L. 145-38 du code de commerce dispose :
« La demande en révision ne peut être formée que trois ans au moins après la date d’entrée en jouissance du locataire ou après le point de départ du bail renouvelé.
De nouvelles demandes peuvent être formées tous les trois ans à compter du jour où le nouveau prix sera applicable ».
Date d’effet :
La révision prend effet à la date de la demande en révision par LRAR ;
Du moment que le délai de trois ans (et un jour selon la jurisprudence) est respecté, la demande de révision peut être formée mais le nouveau prix ne sera dû qu’à compter de la demande.
Conditions de forme :
Il faut une lettre recommandée avec demande d’avis de réception notifiée au bailleur ou à son représentant. La demande de révision peut également être signifiée par Huissier.
Cette lettre doit invoquer clairement la demande de révision et pour éviter toute ambiguïté
Selon l’article R 145-20 du code de commerce, la demande de révision doit à peine de nullité contenir l’indication du prix demandé ou offert.
Moment d’appréciation de la valeur locative :
La valeur locative, nécessaire à la détermination du montant du loyer révisé, doit s’appliquer au jour de la prise d’effet du montant du loyer révisé, soit au jour de la demande de révision par LRAR ou par acte extrajudiciaire.
Nécessité d’un mémoire écrit notifié par LRAR ou par Huissier de Justice (R 145-57 du code de commerce)
Toute saisine (par voie d’assignation) du Juge des Loyers du (nouveau) Tribunal judiciaire doit être précédée de la notification d’un mémoire du demandeur à la révision, et ce un mois avant.
Le loyer provisoire pendant la durée de l’instance :
Aux termes de l’article L. 145-57 du Code de commerce :
« Pendant la durée de l’instance relative à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, le locataire est tenu de continuer à payer les loyers échus au prix ancien ou, le cas échéant, au prix qui peut, en tout état de cause, être fixé à titre provisionnel par la juridiction saisie, sauf compte à faire entre le bailleur et le preneur, après fixation définitive du prix du loyer ».
Limite de la révision triennale à la baisse :
Cette baisse ne pourra pas être inférieure au loyer plancher dégagée à l’issue d’évolutions jurisprudentielles. En effet, le prix révisé doit être fixé selon la valeur locative mais à l’intérieur des deux limites :
– Le prix plancher qui est le prix précédent
– Et le prix plafond qui est celui qui résulte de l’indice légal applicable.
Tout laisse penser que le loyer peut être simplement baissé en appliquant le loyer d’il y a trois ans.
Rien n’interdit toutefois de penser que la pandémie de COVID 19 qui sévit actuellement n’amène pas à reconsidérer sa position, ou même une intervention législative en cette matière.
Mais, pas de limitation à la baisse si :
Pour que le prix révisé puisse être fixé librement à la valeur locative sans limitation à un maximum ou à un minimum, il est nécessaire de démontrer cumulativement :
– Une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité
– Et que cette modification ait entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative.
La réunion de ces deux conditions restait jusqu’à ce jour relativement rare, la jurisprudence retenant une application stricte.
Mais finalement, lorsque l’Etat interdit à un restaurant d’ouvrir pour raison sanitaires, et qu’il n’est plus possible d’exploiter certains commerces déterminés, que les trésoreries des entreprises sont laminées par des chiffres d’affaires plombés, n’y a-t-il pas modification des facteurs locaux de commercialité, ayant entrainé par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative.
La question mérite d’être posée.
Au pire, si le juge des loyers refuse, le preneur bénéficiera, sous réserve de l’aléa judiciaire, d’une réduction de loyer de “seulement” 10 %.
Tout cela mérite de porter la plus grande attention aux notifications, et à demander éventuellement une révision légale du loyer, par LRAR à compter du 2 avril prochain, si la dernière révision a été réalisée il y a plus de trois ans.
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